Arts Libre – Jean Bernard – 12 mars 2025

Le Soir Wallonie – 22 juin 2024

Beyond Horizons – Dorotheum

C’est dans de vieux guides de promenade ou des magazines géographiques au charme désuet qu’Anne Marie Finné trouve une partie de son inspiration. À ses images, l’artiste mêle d’anciens souvenirs pour composer de délicats microcosmes pleins de poésie et d’étrangeté qui suscitent irrésistiblement l’envie du spectateur à la suivre dans son pays des merveilles.
Comme Lewis Caroll le dit : « L’imagination est la seule arme dans la guerre contre la réalité. ». L’imagination de l’artiste nous incite à arpenter, tel Alice, les sentes de ses labyrinthes débordants de végétation luxuriante, d’arbres, de torrents, de rochers, de maisonnettes de contes de fée, et que parcourent parfois quelques personnages bienveillants. Un monde terrestre fourmillant qui tranche sur le vide du ciel au-dessus de lui.
À ce débordement d’imaginaire, répond la logique et la rigueur de la mine de crayon, instrument privilégié d’Anne Marie Finné. Cette technique lui permet de donner toute sa qualité à la précision du trait, au foisonnement des détails, à la richesse d’une composition qui mêle superposition, étagement et perspective linéaire classique. Un univers qui n’est pas sans rappeler le monde de la bande dessinée ou de certaines peintures chinoises.
S’il y a quelque chose de l’enfance dans ce mélange d’histoires avec leurs lois propres féeriques et insolites, voire inquiétantes, cet univers entre visions et souvenirs est, comme toutes les histoires pour enfants, une troublante dénonciation de la sècheresse de nos vies réelles.
C’est pourquoi Anne Marie Finné préfère nous faire rêver d’un monde où la fantaisie et l’imagination nourrissent une nature enfin libre des contingences imposées par nos sociétés.
Isabelle Pouget pour l’exposition Beyond Horizons chez Dorotheum, curatée par Yolande De Bontridder
Kamer Negen / K9
Maison Lismonde – Les minéralités fugaces – Just Read – 12 mai 2022
Les minéralités fugaces d’Anne Marie Finné
Les dessins de l’artiste ressemblent à de la gravure. La technique utilisée est pourtant tout autre. Le trait à la mine de crayon atteint ici un degré de minutie exceptionnel. Fragiles, les dessins en noir et blanc cheminent avec douceur à travers les paysages empreints de nostalgie. Il reste deux week-ends pour découvrir la vingtaine d’œuvres exposées à la Maison Lismonde, à Linkebeek.
Anne Marie Finné est une artiste reconnue. Depuis près de quarante ans, elle explore l’art du dessin à sa manière. Le transfert de minéralités est au centre de sa pratique. Mine ou papier carbone sont ses matériaux de prédilection. Par la trace laissée sur le support – papier ou parfois polyester –, ils relient le spectateur au monde minéral dont ils sont issus. La dernière série de dessins présentée à la maison Lismonde – après avoir fait forte impression à Rotterdam – témoigne d’une évolution nouvelle vers le figuratif.
L’échelle de la nature
Il s’agit de paysages en noir et blanc, aussi imaginaires que réels, transpositions de cartes postales ou de photographies personnelles. Les fragments de souvenirs se matérialisent en mille détails, où la figure du promeneur occupe une place centrale. Mais ce n’est pas l’humain qui occupe l’espace. Ce dernier apparaît à l’échelle de la nature qu’il parcourt avec sérénité, au milieu de rochers, de cascades, sur des chemins en terre sinueux, franchissant des ponts en pierre qui datent tous d’avant l’ère industrielle. Les habitations apparaissent généralement enfouies au creux de paisibles vallons, envahis de saules et de lianes. On songe au monde de Paul et Virginie, on retrouve l’esprit très dix-huitième siècle des paysages d’Hubert Robert.
Un voyage intérieur
Le titre « Chemin faisant » renvoie au voyage, mais de différentes manières, explique l’artiste. C’est aussi ce que je peux obtenir en faisant voyager le crayon gris, le carbone. Au départ, je dessinais des petits éléments figuratifs, des plantes, des détails de jardins. Et voilà, j’ai eu un flash pour ces paysages hyper-précis et réalistes, que j’exécute à partir de documents photographiques. C’est de l’ordre du voyage intérieur. Quand je dessine, je ne vais pas à l’extérieur. Ce sont des témoignages de mon histoire, de lieux que j’ai visités, des documents que j’ai reçus, qui font partie de mon parcours, de mon archivage. Tout est très réel, mais cette composition crée un monde imaginaire. On est obligé d’entrer dans le dessin pour y cheminer, pour l’arpenter.
Nous apprendrons aussi que l’exécution de chacun des dessins occupe trois mois de la vie de l’artiste. Le temps nécessaire pour aboutir à un résultat extraordinaire de finesse, qui transporte le visiteur hors du temps.
D. T pour Just Read – 12 mai 2022





























